« Tu es partie où en vacances cet été ? » « A Detroit. C’est une ville superbe, pleine de joie, les gens sont sympathiques, bref, je rêve d’y retourner ! » La ville du Michigan fait fureur dans tous les guides touristiques. Les journaux ne parlent que d’elle, les vacanciers ne rêvent que d’elle. Parcs d’attractions, plages revisitées, boutiques de touristes en tout genre, il y en a pour tous les goûts. Le maire se sent parfois tel Burns, dans son manoir extravagant et ses liasses de billets. A Detroit, il fait bon vivre. Les habitants mènent leur petite barque tranquille, sans trop se soucier d’autres choses que de sourire. Pourquoi feraient-ils autrement ? Ils sont heureux.

Mais ça, c’était il y a une trentaine d’années. Doucement, la ville s’est endettée, accueillant trop d’infrastructure, de tourisme qu’elle ne pouvait supporter. Et aujourd’hui, depuis deux ans, cette métropole autrefois grouillante de vie, s’est déclarée en état de faillite. Les gens lui tournent le dos, on raille son nom des guides Merlin, on soupire de contentement de ne pas y vivre. Elle se décompose. La gangrène se fait sa place et les habitants serrent les poings. Touchés au plus profond d’eux-mêmes, de voir leur maison fanée aussi vite qu’une fleur en hiver. Les déchets ne sont plus ramassés, les toits des vieilles bicoques tombent en ruines, les eaux deviennent polluées. On pourrait croire que le désert fait son chemin à Detroit, rasant les derniers espoirs des plus investis. Renversant les espérances des quelques survivants. Pourtant, il y en a qui continue d’espérer. Qui relèvent leurs manches et qui s’attèlent à sauver cette ville qui est leur chez-eux. Ils n’abandonneront pas. Jamais. Parce que c’est ici qu’ils ont connu leur premier amour, c’est ici qu’ils ont vu naître leur petit frère. Leurs plus beaux souvenirs se trouvent enfouis sous les décombres de l’ancien cinéma. Ils sont là, et ils ne lâcheront pas.